vendredi 23 octobre 2009

La Grande Histoire sans fin de Nom, premier feuillet.

Je vous avez promis d'écrire, je le fais donc.
Vous décèlerez certainement, mes chers lecteurs dont la pertinence ne laisse plus de doutes, un style s'apparentant à celui de García Márquez mélangé à du Jarry, dont j'ose ouvertement m'inspirer, non sans honte ni fierté.

Nom n'était pas très téméraire. Le moindre élément qui s'éloignait du parcours habituel de sa petite vie campagnarde lui faisait perdre ses moyens. C'est ainsi que le contenu de son estomac se déversa au pied des chaussures en cuir noir récemment lustrées de son frère aîné lorsque celui-ci, impassible, lui annonça l'arrivée à la maison d'une machine à écrire. N'importe quel être censé, sur cette planète pourtant bien étrange, ne saurait être effrayé par un ensemble de métal pesant, en tout et pour tout, quelques kilos peu dangereux. Mais Nom ne figurait pas parmi la liste des êtres censés de notre astre.

Son enfance avait débuté alors que sa mère, au visage émacié et raidi par une grossesse difficile, venait de pousser un cri rauque, révélateur malgré lui d'une détresse morale suintante, et se faisant entendre de si loin que certains météorologues chinois crurent qu'il allait venir un orage. En fait d'orage, ce fut Nom qui vint, au creux des bras encore imberbes de son frère, dont les yeux venaient de perdre toute candeur face au béant spectacle que lui offrait sa génitrice. Le nourrisson, grandissant vite, développa sa première dent très tôt, et découvrit inévitablement les soucis que lui causaient cette dernière en matière d'hygiène buccale. Voulant en avertir sa mère de la façon la plus courtoise possible, il laissa s'échapper sans le vouloir le même hurlement qui alarma, à sa naissance, l'humanité toute entière ; cette fois-ci cependant, les Chinois ne se firent pas duper et n'annoncèrent pas l'orage – mais peut-être un tremblement de terre, disait-on dans tout Pékin. Sa mère crut par là, démontrant l'étonnante simplicité de ses schémas neuronaux, que ce cri était en quelques sortes leur blason familial, version sonore, et demanda à Nom de s'en souvenir toute sa vie pour l'enseigner à ses enfants, aux enfants de ses enfants, aux enfants des enfants de ses enfants, et ainsi de suite, procurant à l'arbre généalogique tout entier le pouvoir d'emmerder les Chinois en cas de guerre interraciale. Nom s'en souvint effectivement toute sa vie, mais la mère détruisit l'ensemble de sa descendance en la faisant cuire au four, juste avant sa propre mort qu'elle essayât de rendre tragique, mais qui fût vraisemblablement un fiasco médiatique, à en entendre les grandes têtes de la presse française. Nom avait été élevé par son frère, qui avait été élevé par son père dans un esprit de plus juste et de plus raisonnable droiture. Lorsque le père en question avait fui, quelques sept mois avant la naissance de Nom qu'il n'avait désiré que pendant quelques heures, sous l'influence d'un bourbon de cinq ans d'âge, le frère s'était peu à peu dévergondé, quittant avec audace les fins sentiers de terre battue que lui avait confectionné son pater familias. Il se rappela cependant de chaque précepte de son éducation, afin d'endoctriner proprement le petit benjamin, qu'il décida lui-même de baptiser Nom, en référence à la beauté de la langue française qui, selon lui, avait déjà tout choisi, de sorte que personne n'avait besoin d'y rajouter quoi que ce soit – surtout si ce quoi que ce soit était un nom propre. Il m'autorisa tout de même l'utilisation du N majuscule, par commodité pour mes lecteurs potentiels. Nom avait donc grandi ainsi, entre les engueulades de sa mère pourrie par le temps, et les leçons d'orthographe de son frère lui demandant parfois d'écrire des histoires cochonnes pour aller les montrer à la matrone, qui se hâtait alors de lui foutre une bonne flanquée à coup de rouleau à pâtisserie, et d'en mettre quelques unes dans le visage de Nom quand elle reconnaissait son écriture. Quelques fois aussi, son frère l'avertissait de l'infâme sonorité du mot “croûte”, et lui déblatérait le corollaire selon lequel l'acte de mettre des croûtons dans sa soupe était tout bonnement satanique, du fait du suffixe “on” qui supposait la vulgarité et la grosseur de “croûtes” déjà corrompues par les griffes du démon.

Tout se passait donc très bien dans le meilleur des foyers possibles, jusqu'à ce que Nom apprenne qu'une machine à écrire voulait y épancher le contenu de ses bruyantes mécaniques. Il devait alors atteindre sa racine carrée de quatre-vingt unième année, tandis que son frère avait fêté son septième au carré anniversaire au mois de juin 2 après Jésus-Christ. Celui-ci venait d'entrevoir, dans un catalogue de publicité, le schéma de cette splendide invention qui promettait quelque chose de tout à fait allemand dans sa conception, et de tout à fait juif dans son prix, ce qui ne laissait aucun doute quant aux intentions diplomatiques de son auteur, piégé entre les deux versants de la deuxième Guerre Mondiale. Le jeune adolescent, tout émoustillé, se rendit sans plus attendre à la page du bon de commande, écrivit dessus son nom, son prénom et son adresse avec son encre porte-bonheur – celle dont il avait fait tomber l'encrier par mégarde lors de sa première masturbation – et mit le tout dans une enveloppe vert bordeaux, qu'il lança nonchalamment dans un bureau de Poste. Les postiers, ne sachant vraisemblablement pas de quelle encre cette missive était écrite, l'engueulèrent un petit peu, mais plus rien, désormais, n'était à même de gâcher la jubilation intérieure du jeunot. Marchant rapidement, tout de joie, il revint au bercail, faire l'annonce d'un nouveau venu à son petit frère, qui l'accueillit susditement ; il ne froissa pourtant que le beau cuir noir des souliers de son aîné, le bonheur et la hâte de celui-ci étant on ne peut plus invincibles.

Remis de l'horrible vision auquel il était soumis alternativement par les malicieux morceaux de carotte qui viraient au violacé et le luisant liquide jaunâtre qui enrobait le tout, fruit d'un repas pourtant délicieux, Nom exprima avec franchise, et à plusieurs reprises, les raison de sa fortuite régurgitation : “Merde alors, s'exclamait-il, tu vas devenir écrivain ?”

4 commentaires:

  1. J'ne connais pas les auteurs que t'as cité ... (Shame on me) Mais je vois tout de même l'évolution dans ton style ! Ça change vraiment de ce que j'avais pu lire, ya un an ou deux.
    C'est certain que ce n'est pas le genre de texte qu'on lit à 3h du mat' -après une soirée soukwahté chez des personnes ne protégeant pas assez leur ordinateur- parce qu'on perd vite le fil mais c'est vraiment plaisant au final.

    PS : Si je peux me permettre ... (Tu me connais, je ne poste un commentaire quasiment que pour cette remarque que j'essaye d'atténuer avec mon petit "PS") J'ai cherché pendant pas mal de temps si y avait un sens caché ou tout autres trucs zarb -que tu fais souvent -dans le but de m'impressionner-- (Oui il ya bien deux tirets à côtés, et j'ouvre même une nouvelle parenthèse si je veux ( ) voilà ...) avec "Nom n'étais pas très téméraire." mais je n'ai rien trouvé ... Alors ? La faute ? TU LA VOIS ? HEIN ?

    Putain.

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  2. Putain ... Il a raison le gars.

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  3. Y a un putain de sens caché, les mecs.
    Un putain de sens caché.

    Rapport avec Georges. Mais vous en saurez plus au fil de l'histoire.

    ...

    Nan en fait c'est juste une faute.

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  4. Et ton truc de publier en anonyme pour faire genre que y a des mecs qui sont d'accord avec toi, c'est NUL.

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