lundi 16 novembre 2009

La Grande Histoire sans fin de Nom, troisième feuillet.

Image-résumé de l'épisode précédent :

Il s'évertua dès lors à passer des nuits et des jours entiers à plonger ses pieds nus et crasseux dans la mare du jardin, prétextant devoir les laver, et s'octroyant de la sorte des centaines d'heures de repos et de tranquillité tout propices à l'élaboration de nouveaux stratagèmes machiavéliques.


Avant que la descendance de Georges ne passe au four, ce dernier avait fait la rencontre plus ou moins volontaire d'une douce prostituée hongroise, laquelle, particulièrement féconde, mit bas quatre garçons et un poulain en un seul accouchement. Le premier à avoir osé sortir son petit visage de l'utérus de sa mère fut celui qui devint le plus fort ; on le baptisa Georges Aussi, mais lui-même préférait se nommer Le Gendre. Le second, moins aventurier mais plus analyste que son aîné, reçut pour nom Georges Aussi Aussi, et le garda. Le troisième mourrut peu de temps après qu'on l'eût nommé Jean-Yves. Le quatrième fut appelé Jean-Yves Aussi, et resta nain jusqu'à sa mort. Après ces quatres accouchements difficiles, la prostituée crut au répit. Elle demanda un congé maternité qu'elle obtint rapidement, et joua aux échecs avec Georges pendant huit jours. Ce n'est qu'au bout de ces huit jours qu'elle pondit un poulain qui s'était égaré dans son ventre. Elle partit le vendre au marché, en tira un bon prix, pis termina sa partie d'échecs. Le lendemain, Georges partit avec ses trois rejetons, bien rangés dans un petit paquet bleu, et quitta la Hongrie, rejoignant ses terres natales.

Le Genre grandit donc dans la même ferme qui avait vu son père éduquer fermement son oncle. Rapidement, il développa une violence hors-normes, cassant et tuant tout de ses poings en acier. Son père n'essayait plus de l'arrêter ; ses deux petits frères non plus, étant plutôt occupés à brouter l'herbe du jardin des voisins. En les voyant, il arrivait à Georges de regretter amèrement son petit poulain, qu'il imaginait alors grand et beau, assis à un beau secrétaire de chêne, une petite paire de lunettes aux montures dorées sur les yeux, plein d'esprit et d'artistique mélancolie, en train de rédiger avec souffrance les mémoires de sa vie d'orphelin vendu sur la place du marché de Budapest. Mais aux lieu de fils spirituels, il n'avait su mettre au monde qu'un tas d'infâmes bestiaux. Le Gendre, cependant, prouva par sa carrière qu'il était le moins idiot des trois mulets.

Un jour d'automne – il avait à peine trois et deux font cinq ans – alors qu'il jouait avec Georges Aussi Aussi dans le jardin du fond, un grand imbécile venu d'on ne sait quelle contrée vînt l'ennuyer avec un tas de marchandises aussi inutiles qu'une poignée de porte en laiton ou un rasoir à manivelle, qu'il voulait vendre à bas prix. Le Gendre ne se laissa pas faire, et déccrocha dans la mâchoire du commerçant un poing assez bien dosé en force pour que le pauvre homme ne se relevât plus jamais. C'est ainsi qu'il découvrit ses talents indéniables de boxeur, puis qu'il décida d'en faire son métier ; quatre ans plus tard, il était sur le ring en compagnie des plus célèbres, qu'il abattait un par un grâce à sa fameuse droite. Il enchaînait ainsi les duels avec un appétit et une rage dignes des plus grands guerriers de notre histoire, qui le poussaient souvent à tuer ses adversaires. Personne n'osait cependant aller à l'encontre de ses violentes folies, par peur de s'y heurter dangereusement - on sait combien les hommes ont toujours préféré l'intégrité physique de leur tête à celle, instable, de leur morale.

Dans toutes les contrées traversées par Le Gendre, il n'avait existé qu'un idiot capable de le mettre à terre. Cet idiot-là s'appelait Henry, était fort élégant, et appréciait boire une coupe de Saint Emilion Troplong Mondot 2006 après chacune de ses parties de dames. Après une grande soirée de déléctations en tous genres, tenue en sa gigantesque demeure toute palquée or, où il avait connu la malchance d'abuser aussi bien de vin que de femmes, il entendit toutes les rumeurs qui circulaient alors sur Le Gendre, et eut par-là la bonne idée de se dresser debout sur une table, de brandir son verre vers le plafond, et de hurler de toute sa voix des insanités en tous genres sur le boxeur de renommée mondiale, disant qu'il ne valait rien de plus que le dernier des bourreaux ardéchois, à tuer tout le monde comme ça, sans manières, et que s'il était ce boxeur, il se serait de honte sectionné les poings depuis longtemps, ces poings qui avaient provoqué impunément la mort non-méritée d'au moins un quart de notre noble pays, non mais vous vous rendez compte, un quart, et des pauvres hommes en plus, qui avaient dû ruiner leur famille en frais d'obsèques, et ce sale môme au nom ridicule continuait à frapper tout le monde sur son passage, répandant le sang des autres partout sans songer à la pureté du sien, et que sa mère, qu'on disait pute, avait une tâche bien plus respectable que lui, car elle au moins sauvait quelque chose : le coeur des hommes perdus, et qu'il irait voir ce boxeur dès que possible et que ce dernier devrait se confesser à ses pieds en bonne et due forme, sinon quoi il prendrait dans l'arrière-train quelques charges du fusil coupé qu'il cachait sous son oreiller. Le pauvre ivrogne avait oublié que parmi tous ses invités se trouvait Le Gendre, qui passait par là pour disputer un match avec un tigre du Bengale galeux qu'on avait attrapé au Japon. Le boxeur, impassible, s'approcha doucement de la table sur laquelle s'était dressé Henry, et, posément, lui déclara son identité : “Le Gendre, c'est moi.” Henry baissa les yeux, aperçut la corpulence bigrement hérculéenne de son adversaire, puis blêmit au point d'en faire trembler ses jambes. Pendant que les convives étaient occupés à rire de la drôle de situation dans laquelle leur hôte s'était fourré, Le Gendre montait tranquillement sur la table pour se mettre en face de l'idiot, qui essayait vainement de se rattraper en chantant des prières musulmanes. Le poing dévestateur du fils de Georges allait surgir, quand, pris de panique, Henry se jeta sur lui, le rouant d'une centaine de coups affreusement peu puissants. Mais, par le hasard le plus providenciel, l'un de ces coups atteingnit les énormes testicules du boxeur qui s'étalla sur la table, et régurgita toutes les huîtres de son repas sur la belle nappe de soie blanche. Ces dernières, s'étonnant d'une libération si peu espérée, se mirent à respirer de toutes leurs forces à travers le peu d'eau de mer qui restait piégé dans le vomi du Gendre.

Haha ! s'exclama Henry qui avait repris sa vigueur alcoolique, tu fais moins le malin, maintenant !” En effet, le pauvre athlète, défait, faisait moins le malin. Henry, maintenant du pied une certaine pression sur les parties de l'homme abattu, lui fit sur-le-champ se confesser en bonne et dûe forme. Pour se libérer, Le Gendre dut même inventer quelques péchés, ce qui fut long et laborieux, étant données ses faiblârdes capacités imaginatives. Cet épisode, en plus de sidérer les invités de la fête qui n'osaient plus bouger et qui cassaient des verres de stupeur, changea la vie du Gendre qui se reclut pour ses dernières années dans une maison de campagne au bord du Verdanson, et mourut deux ans plus tard.

Si la descendance de George se partagea honteusement entre le mutisme imbécile et la rage meurtrière, on ne sut jamais ce qu'il advint de celle de Nom, pour la bonne raison qu'on ne sut jamais s'il en eut une, pour la bonne raison qu'on ne sut pas s'il était mort lors du précédent épisode. Mais par bonheur pour vous, chers lecteurs, je ne m'inclus pas dans ce “on”, pronom trop impersonnel s'il en est, et vais continuer de vous conter la Grande Histoire sans fin de Nom, qui jusque-là était connue de la majorité de la population terrestre, mais qui, depuis-là, ne l'est plus.

8 commentaires:

  1. t'as pas oublié un mot juste avant le point virgule à la 5eme ligne ?
    j'aime bien ce genre d'histoires emboîtées. on l'impression de vivre plusieurs jours avant de revenir à l'intrigue principale, si tu vois ce que je veux dire.

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  2. Merci d'avoir signalé l'erreur, je viens de la rectifier.

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  3. Moi j'aime bien la Grande Histoire sans fin de nom, &puis j'aime bien comme t'écris, alors t'as plutôt intérêt à continuer, parce que .. voilà hein :].

    (&puis tant que j'y pense, merci pour ton commentaiiiiire :D. (on est un peu en DECHE pour le moment, on se sent seuls &sans lecteurs xD))

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  4. Moi j'aime bien comment t'utilises le &. Cette touche est sous-utilisée par les européens, à tort. &. &&&. Haha, c'est rigolo en plus. &&
    &&&&&

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  5. Fais gaffe, c'est comme ça qu'on attrappe des tocs. Après tu vas en mettre tous les trois mots &du coup ton histoire elle va être carrément moins bien, je risquerais de m'en vouloir ..

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  6. Ouais, vas-y, j'kiffe sa mère. Yo.

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